Ce que nous dit Wikipedia d’Auroville: « La ville de Sri Aurobindo » aussi « la ville de l’Aurore », est une ville expérimentale située à une dizaine de kilomètres au nord de Pondichéry dans l’État du Tamil Nadu en Inde. Elle fut créée en 1968 par une Française, Mirra Alfassa (Mirra Richard) plus connue sous le nom de « la Mère » et compagne spirituelle du philosophe indien Sri Aurobindo. (…) Désert à l’origine, le lieu est maintenant parfaitement viable. En 1972, la Mère parle du projet en ces termes : « Il doit exister sur Terre un endroit inaliénable, un endroit qui n’appartiendrait à aucune nation, un lieu où tous les êtres de bonne volonté, sincères dans leurs aspirations, pourraient vivre librement comme citoyens du monde… »
Je lâche prise sur les distances de sécurité en voiture, à peu prés 10 cm! Grâce au klaxon, tout le monde s’avertit mutuellement de l’imminence du danger… Et ça passe sans casser, à la grâce de dieu tout le monde parvient à se caser au dernier moment. Comme dieu est bon et qu’ils le savent, les Indiens n’hésitent pas à se doubler à trois ou quatre en même temps, vache y compris et cela dans des virages sans visibilité, tout en évitant les poules et leurs nids. Bon, il me faudra un petit temps d’adaptation. La vue d’un temple chatoyant ou d’un sâdhu aux pieds nus – renonçant aux biens matériels qui pratique les yogas comme sources de multiples satisfactions – suffit à me projeter dans une dimension parallèle ou la vie est moins opaque, plus flexible, voir hyper fluide ! Un autre rapport à l’espace-temps m’attend…
Un dogue noir immense m’accueil à la Guest-house, la maison d’hôtes d’Aspiration, une des multiples communautés d’intérêt qui ont formé en s’agglomérant la galaxie d’Auroville. Il s’échappe de la villa alors qu’en sortant du Taxi de Madras, j’ouvre la porte du jardin portant déjà mes trois sacs tout en essayant de rattraper la boite aux lettres fixée dieu sait comment à la balustrade fleurie de couleurs et de parfums. Voici l’occasion de découvrir les environs au pas de course, essayant de rattraper la bête pendant une bonne demi heure, un couple d’espagnols me donne finalement un vieux pantalon pour lui faire une laisse. Je finis la balade par la rencontre d’une belle jeune femme dont je rêverais plus tard, qui donne des cours aux enfants handicapés (défiés physiquement comme disent les anglais) de l’école voisine de Deepam, petite chandelle. Mon arrivée se fait ainsi, dans un large espace ombragé, planté de plusieurs écoles dont une en forme de pyramide, l’école d’art, qui me donne d’emblée une image approprié d’Auroville: la rencontre d’une nouvelle terre, de nouveaux projets éducatifs et de nouvelles formes architecturales…
J’ai ouvert un compte au service financier et fait mes courses à « Pour Tous » la coopérative Aurovilienne. En rentrant, une petite cérémonie m’attendait faite de fleurs et de parfums, d’eau ruisselante et d’un dessin à la poudre de pigments déposées aux pieds de la statue de Ganesh, le dieu éléphant. C’est le pûjâ quotidien, un rituel d’émerveillement au bon soin de mon hôte Selvaraj et de sa fée du logis, Ipanema. Est-ce bien pour cela que les Hindous ont les yeux qui brillent tout au long de leur vie ? Ils ont fait de l’action de s’émerveiller ou « adoration » un passe temps artistique et culturel, religieux au sens premier du terme (avant de parler de prise de contrôle d’une caste par une autre) et on voudrait mettre à bat tout cela sous prétexte de croyance farfelu ? Tenons-nous là une des causes de notre sinistrose franco-française: le manque d’émerveillement et son corollaire patenté: le désenchantement du monde ? Puis, une petite balade avec un collègue Danois au proche village de Kuylapalayam, fait d’échoppes à thé et de téléphonie mobile, de maisons qui ressemblent à celles du Maroc en plus colorées et qui disputent l’espace public aux chèvres, aux chiens bien souvent mal en point, aux enfants et aux vaches. La liberté de circulation n’est elle bonne que pour les humains ? Une soirée à scooter DSC (j’utiliserai dorénavant l’abréviation DSC pour Dieu Sait Comment) fermant les yeux pour éviter les papillons de nuit, filant à travers la foret de la « Ceinture Verte »: le plan de reforestation orbitale du noyau de la cité… Direction le Visitor Center pour un spectacle de Danse Contact Impro. J’aime beaucoup cette danse de libre contact, rencontre entre techniques d’arts martiaux et danse contemporaine… Chaleur et brise légère près d’un arbre immense, ambiance délicieuse, dans la fraîcheur des larges parterre de pierres. Deux euros pour un repas de légumes parfumés plus un tchaï, thé au lait coupé d’épices. Des images plein la tête, je rentre dans ma maison du style Ryad, entourée d’un grand jardin vivifiant, bâtiment rectangulaire agrémentée d’une petite lagune au centre d’une cour intérieure. Il faut bien que les poissons aident à contrôler les moustiques, les geckos se chargeant des fourmis rouges et noires quand aux araignées, elles semblent le pendant des blattes et autres espèces rampantes, que l’on s’attendrait presque à voir muter sous peu…
Premières semaines à Auroville.
J’ai déjà le programme de la semaine. Ici tout est intense et riche, ouvert et contrasté oui, contrasté ! Des milliers de lucioles virevoltent dans des arbres qui font forêts à eux tout seul: les banians un des symboles de l’Inde. Ils abritent des chauves souris de l’envergure d’un coude, des scorpions presque aussi grand mais très gentils et de plus petits bien plus dangereux… Des serpents peu méchants circulent furtivement, le cobra mis à part, symbole de la force vitale cultivée par les yogis (kundalini) il est mortel. Des déchets flambent par intermittence dans tout les villages car ils vivent un peu au moyen âge par ici. J’entends dire que nous sommes dans une zone qui était très pauvre avant l’arrivé des Aurovilliens et beaucoup de Tamouls saluent encore aujourd’hui les retombées économiques du projet Franco-Indien quand d’autres à quelques kilomètres de là, sont déjà de plein pied dans le troisième millénaire: énergie renouvelable et «fractale-monnaie» triomphante. Je lis dans le Times Indien qu’il y a déjà plus de millionnaires en Inde qu’en Europe…
Je travaille au centre d’accueil pour les visiteurs où, de derrière mon bureau, je réserve des chambres d’ hôtes pour les nouveaux arrivants répondant aux demandes en anglais, en français et en espagnol, parfois même en allemand que je baragouine gentiment. Des invités (guests) qui arrivent un sac sur le dos, à la recherche de leur petit cocon pour quelques jours où à plein temps. Je me suis engagé à faire des traductions pour le journal local et comme interprète anglais/français lors de conférences: la dernière sur les applications de la théorie du chaos au changement de paradigmes sociaux, culturels, personnels et politiques! Tout un programme… J’aime le métier d’interprète, j’y cultive mon empathie et ma vivacité d’esprit (Sati).
Je loge dans une villa vraiment très agréable où nous avons, Selvaraj et moi organisé notre premier dîner, une humble réussite: tout le monde sirote sur la terrasse son bouillon de momos tibétains ramené rapidement du restaurant du coin, puis se pose dans le jardin autour d’un petit feu. J’interprète avec ravissement la Gayatri mantra et autres chants inspirés en sanskrit : les Bajhans et les kirtans, appris lors de rassemblements rainbows… Une équipée nocturne à moto jusqu’à Pondy. pour ramener deux des convives féminines et hop, dodo derrière la moustiquaire. Maintenant que je suis en contact avec toutes les offres d’ hébergement je vais choisir au mieux pour les mois à venir car j’ai envie de voir la cité sous tous ses angles et aussi de me porter volontaire dans une ferme, peut être plus tard garder une maison gratuitement (house-sitting)…
Les architectures sont vraiment surprenantes. Massoom, une jeune et belle Indienne se régale par ici car ils sont nombreux les étudiants en architecture, venant de tout les pays du monde pour leur projet de fin d’étude. J’ai rencontré aujourd’hui le géomètre attitré d’Auroville, qui nous a informé du prix moyen du mètre carré dans la ceinture verte qui entoure la cité toujours en construction : 10 euros. Mais des indiens s’amusent déjà à spéculer. Car les Aurovilliens, qu’ils soient natifs ou étrangers, n’ont pas encore acquis tous les terrains encerclant le projet initiale, que voilà comme tensions en perspective… Je vois beaucoup de dômes et de cercles, des courbes de pierres qui insufflent le ravissement. L’air et la lumière s’en donnent à cœur joie dans ces étranges habitations où la qualité de vie semble démultipliée, c’est vital… et c’est bon !
Le « vital » une notion du yoga intégral enseigné par Shri Aurobindo. Un mot qui signifie parfois nos bas instincts, pourtant vitaux… Si l’on comprend bien qu’ils doivent’être contrôlés, doivent-ils pour autant être étouffés ? Le terme de « vital » devient alors comme une insulte à la mode et un concept galvaudé et paradoxal. La complexité des enseignements du maître prête à confusion, depuis sa disparition les chapelles de disciples s’affrontent sur le plan théorique, comme dans la vie politique, lors de longues assemblées à ciel ouvert…
Les villages Tamouls sont folkloriques à souhait, depuis quatre jours c’est pongal du verbe « déborder »: le festival des récoltes. Ils ont bariolé les vaches de pigments et leur ont accroché des fruits et des fleurs, puis les ont lâchées dans les villages à grand renfort de tambours et trompettes ! Un défilé de chars nous montre leurs divinités d’élections, le panthéon Hindou en compte plusieurs milliers qui mettent en exergue les qualités humaines et enseignent aux jeunes gens les voies à suivre sur les routes de l’existence. Reconnaissons qu’il est bien possible de s’y perdre, sans repères praticables… Je vois cela comme un processus pédagogique illustré, à vrai dire moins rébarbatif que d’autres, plus médiatiques et tout aussi violents.
Les tamouls sont très souriants, je vois la différence, ça doit être le soleil et les blagues qu’ils adorent se raconter à tout bout de champs, qui les rend aussi sympathique en plus de leur fibre commerçante ? Je me régale des étoiles dans les yeux des jeunes et des plus vieux et je sens que mes compatriotes doivent les battre à la consommation d’anti-dépresseurs. Au moins je sais pourquoi je suis là: guérir de ma dépression latente? J’appris plus tard de Kartik, étudiant tamil en charge de College Guest-house (demeure de Laura ma formatrice en C.N.V.) que parmi les langues Indiennes, le Tamoul est historiquement l’une des plus poétiques: à l’époque des premiers textes ils s’amusaient déjà à rajouter des onomatopées truculentes en fin de phrase, du style Puducherry guili-guili ! Très sérieusement mon enfant, c’est un remède à la « sinistrose », grand Jacques et pétales de roses, tenez vous bien Rintintin !
Premiers mois à Auroville.
Beaucoup d’arbres immenses qui donnent de l’ombre à tout le village, mais je mets du temps à m’acclimater. L’après midi, le moindre effort me fait transpirer, qu’est ce que cela donnera en mars ou en mai? J’abandonne mes tricots trop lourds pour des tissus plus légers et bon marché purchased (payés) chez les Kashmiris de Kuilapalayam. J’y cultive l’art de marchander en oubliant par naïveté feinte, de me renseigner auprès des résidents permanents sur les meilleures adresses… Je suis parfois comme un caméléon pris à son propre jeu.
Tout les matins ou presque, je vais à la plage me baigner dans les grands rouleaux, revivant passionnément le processus d’évolution dans un travail chorégraphique ! Processus activé lors du rituel de trance dance à l’Espace des Possibles en 2001: mon odyssée… Tant il y a dans l’homme encore un peu de l’algue et du poisson, du serpent et du batracien, du cochon et du singe et chez certains certainement, de l’oiseau et de l’ange? Une succession de postures et d’attitudes qui s’emboîtent dans une joyeuse dynamique m’assurant un équilibre et un ancrage jubilatoire, un rayonnement vivifiant… Utilisant la mer, le vent, le sable et le ciel pour un massage profond, dans une rencontre naturelle entre mon être et les éléments, une forme de retour aux sources de l’expérience: la danse du big-bang-band ? Pris dans cette démarche expérimentale – sans toujours me concentrer parfaitement – je me suis fais retourner comme une crêpe puis plaqué au sol par une lame de fond trop forte… J’ai alors entendu un crack dans toute ma colonne vertébrale, un chiropracteur n’aurait pas fait mieux ! J’ai eu assez peur tout de même et la douleur me suivra quelques temps. Retour karmique quand tu nous tiens.
Un jour et deux massages plus tard, j’en ressors grandis! La rencontre d’un expert en thérapie manuelle, ex-champion de boxe thaï, qui m’enseigna de nouvelles postures pour débloquer mes tentions résiduelles y est certainement pour quelque chose… Demain, je reçois un Watsu, style de massage aquatique par une copine de l’Espace des Possibles Isabelle V. revue DSC. Petit déjeuner à la plage, puis je me mets en route pour mon bureau au Visitor Center où j’accueille surtout des voyageurs peu prévoyant, pour leur trouver des chambres à tout prix: de la hutte en forêt à 5 euros au palace avec hammam et piscine pour 40 soit 2000 roupies. Pour vous dire, 1 euro c’est 50 roupies, l’équivalent d’un bon repas chez les locaux, qui nous louent une chambre relativement confortable pour 250 r. soir 5 euros au sein de l’un des villages Tamouls qui s’urbanisent peu à peu.
Je suis allé visiter Sadhana Forest, une communauté végan, nourriture strictement sans produits animaux, dont les héros ont replanté la forêt primaire en gérant l’érosion du sol et la fuite des eaux de la mousson. Maintenant, des milliers d’oiseaux reviennent y nicher ainsi que plusieurs centaines de volontaires du monde entier par années! C’est un peu l’ambiance de La plage le film avec Leonardo D.C. qui rencontrerai celle d’un monastère Thaïlandais célèbre www.suanmokkh-idh.org (ce jardin paradis pour retraite idéale dispose de manguiers géants, de sources d’eau chaude, d’une grande bibliothèque et d’ateliers créatifs, un mini Auroville dédié aux pratiques bouddhistes…) Je m’engagerai dans deux semaines à Sadhana Forest pour un mois de travail de dingues sur les digues. Je m’amuse bien à Auroville car question culture c’est plein d’activités: Chants Rainbow et danse Soufi, Chi kong et Om en cœur (yoga du son) la vie pulse ici, synergies et synchronicités, venez me surprendre!
Je me suis fais un copain baroudeur à Pondicherry qui me raconte son installation. Cinq ans déjà, dans une maison traditionnelle Tamoul avec un puits central de lumière et de fraîcheur, ah, la fraîcheur! Il parle très vite et conduit tout autant, sans doute l’influence des stimulants qu’il collectionne… Il fait bien couleur locale, malgré son physique de grand blanc et son style d’arpenteur de paradis. Mon mental à moi prend tout son temps pour décoder la réalité de la ville post coloniale: très dense du côté Indien, fait de magasins les uns sur les autres et d’une circulation « infernale », plus étendue et d’un calme « paradisiaque » du côté Français situé en bord de mer, dont les vertus bien connues reflètent la pratique d’une pétanque sereine, mais peu de baigneurs, les indiens ont peur de la mer… Si je ne fais pas de néo-colonialisme nostalgique là ?
Je suis allé méditer dans les pétales du Matrimandir, le dôme central de la cité de l’aurore, propice à la concentration sur une des nombreuses qualités de l’être. Aujourd’hui, la réceptivité et demain, le courage! En sortant, je réalise qu’ils sont en pleine construction de jardins, pour qui voudrait y imposer sa marque, un appel aux paysagistes volontaires est lancé.
Hier, j’ai appris à Eather, jeune et belle américaine quelques Bajhans à la guitare dans les couloirs en terrasse du pavillon Tibétain. Cela tout juste après notre rencontre avec Véronique Jeannot autour de son documentaire « Dakini, le féminin de la sagesse ». Cette femme mûre et pleine de cœur reconnaît à l’éducation Tibétaine une qualité qui manque cruellement à la notre, laquelle ? Regardez donc le film. Le gouvernement du Tibet en exil ouvre en ce moment une université pour 3000 étudiants à Bangalore, la ville de l’informatique où habite la famille d’Asha, belle indienne de retour des U.S.A. avec qui nous prévoyons une collocation amoureuse et que j’ai rencontrée à la terrasse du visitor center.
J’ai donc passé l’après midi avec Véronique J. à Coin de terre, petite communauté où un géobiologue français et sa femme tentent de recréer le jardin d’Éden. Nous avons évoqué autour d’une table ronde massive au confluent des réseaux d’or et d’argent (maillage tellurique) les nouveaux mythes du New-âge: de la conspiration des cerveaux trop reptiliens voulant asservir l’humanité selon un ancien paradigme d’éducation par la peur, jusqu’au renouveau quantique des spiritualités, la fractalité de l’amour et les neurosciences… La réalité peut dépasser la fiction, un des thèmes favoris de mon nouveau copain Olivier, le chercheur en géométrie sacrée mort récemment d’une méchante fièvre après avoir dormis sur la plage, qu’il repose en paix dans un shri-yantra de beauté et de béatitude… Le sourire radieux et la popularité de Véronique J. sont mis au service de la cause Tibétaine. Revenant de Bangalore elle s’envole maintenant pour Dharamsala rejoindre le Dallai Lama et sa femme. Elle reconnaît donc à la culture tibétaine une éducation centré sur l’être et ses qualités, ce qui fait un peu défaut à nos sociétés modernes où nous recherchons le bonheur en nous empiffrant de biens industriels: « les êtres ont perdus, les choses ont gagnés » comme le dit la chanson de J.J.G. Eux le bonheur, ils en ont trouvé depuis longtemps les causes, dans leurs montagnes escarpées où toute vie est un bien précieux et où la joie naît des choses simples… Ils le cultivent donc en cœur, dans la clarté de l’esprit et la beauté de la sagesse, là où la confusion et le stress généralisés brisent trop souvent nos familles, saccageant l’esprit de nos enfants. Ils instaurent donc une éducation basée sur l’amour bienveillant et la compréhension mutuelle. Tout un programme !
Ces deux derniers jours j’étais aussi dans l’entourage de Jean-Hugue Anglade et Lio: lui inaccessible star, elle abordable enchanteresse… Et moi, figurant un noble marchand en costume et perruque de la compagnie des Indes, sur sa chaise à porteurs, au beau milieu d’une centaine d’autres figurants, Indiens et Européens pour un nouveau shooting de la série télévisé « Rani » qui passera en août sur France 2. Une variation sur le thème de l’archétype romantique féminin et une ode à la liberté de circulation des biens et des services… On m’y verra donc de loin dans les épisodes 3, 5 ou 8. Mon copain de Pondy y joue un cavalier et nous y revivons la débâcle des Français face aux Anglais! Me voilà en train de prendre ma femme et mes diamants pour embarquer sur un bateau en 4ème vitesse! Karma familiale, quand tu nous tiens… J’ai apprécié les prises de vues avec l’éléphant dans la cour du château colonial et les chants spontanés dans l’église, ainsi que les grands banquets collectifs et l’échange spontané avec Lio.
Premier trimestre à Auroville.
Ahh, Sadhana Forest « le trip »! Une enclave de végétariens endurcis qui vivent au beau milieu de la forêt primaire qu’ils ont eux-même replantée. Nous sommes tombés d’accord avec un vieil Indien: au rythme où se reproduit le tigre, actuellement 1500 têtes dans toute l’Inde (leur population a doublée en quelques années) il y en aura bientôt un à Sadhana Forest! Pour l’ instant, c’est surtout la faune et la flore microscopique qui causent quelques problèmes aux nouveaux arrivants… Nous dormons sous des moustiquaires dans des dortoirs au style d’étable à bœufs, sur des lits de cordes tremblotants fixés à des poutres plantées à même la terre. Le confort de base, de base . 5h30 réveil matin et pendant une semaine j’en suis le responsable: lançant des chants rainbows au tambourin accompagné de Stéphanie, une grande française et d’Alex un petit suédois. Ma doudou du moment est là aussi, ses deux yeux comme deux sources d’une eau magnétique et pure, elle est slave et mère de deux admirables enfants. Les petits sont déjà très à l’aise avec la belle nature sauvage, sous le regard confiant et bienveillant de leur maman. Maman, pourquoi suis-je aussi sensible à la beauté?
Heureusement pour nous la première semaine, c’est la troupe de Tiago et Hannah, les deux profs de capoeira qui nous motivent au réveil, ils m’ont mis le sourire avec leur chants résonnants dans tout le camp, dans une joyeuse insistance:
– « We are rising up like the phenix from the fire, brothers and sisters spread your wings and fly higher! »
(Nous nous redressons, comme le phénix sortant du feu, chères frères et chères sœurs, déployez vos ailes et envolez-vous…)
Ensuite, réunion et jeux motivationnels autour du point d’accueil: étirements, plaisanteries et partage des tâches. Je me suis essayé une semaine dans l’équipe d’hygiène à faire du terrassement de toilettes sèches et une semaine dans la forêt à construire des digues pour la récupération d’eau de pluie… Retour à la tente principale pour le petit déjeuner: une fête de fruits et de porridge locale, le ragi. C’est alors que commence le second job: j’ai participé à construire un banc près du dôme de méditation pour finir par laver les draps de la tente de guérison (healing tent). Le lendemain, j’en tombais malade.
Il faut dire que je me débattais depuis quelques jours avec des particules irritantes voletant dans l’atmosphère. J’avais identifié les petites bébêtes qui voulaient partager mon lit, les visibles et les invisibles, tout en les différenciant des sensations d’irritations qui elles, sont bien capables de se nourrir d’elles même, juste pour le plaisir du grattage si on y perd la tête… Mais là, c’était autre chose: les arbres en fleurs explosaient leurs couleurs alentour, la poussière se densifiait à chaque mouvement de troupe et je plaignais mes naseaux particulièrement sensibles suite aux changements de climat & de régime & de compagnie & de résidence & de travail & de rythme, que j’en atteignis finalement mes limites de stress encaissables. Traitement de choc quand tu nous tiens… Je n’appris que plus tard que parmi les nombreux planteurs de noix de cajou, certains commençaient à pulvériser du DDT et autres «médecine pour les plantes» (phytosanitaire). Une pétition circulait déjà contre l’Endosulfate alors que tout autour d’Auroville les crises d’allergie, maux de gorges, fatigue et gros yeux rouges devenaient symptômes courants. Je passais ainsi la fin de semaine en colère, à courir de tente en tente pour faire le compte des malades: les diarrhéiques avec ou sans douleur (les plus nombreux) les enfiévrés avec ou sans maux de tête, et les irrités de la gorge avec ou sans nez qui coule. Il faut dire que les rumeurs sur cette communauté d’Auroville, installée hors de la ceinture de la cité allaient bon train: averti de la fréquence des diarrhées par habitant et de la présence d’amibes dans la nourriture, je voulais vérifier les rumeurs?! Au final et avec les infos fournies par la doctoresse du camp, c’est bien lors de la semaine la plus chargée: 25 malades pour 125 participants, que j’ai choisi de venir DSC! Curiosité naïve quand tu me tiens… Cela fait un ratio de malades de 1/5 or, la norme Indienne est à 1/15 au dire de l’épidémiologiste contacté par Aviram.
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Aviram ? Le Bodhisattva de la Sangha de Sadhana Forest (le guide de la communauté). Un être éclairé et responsable, créateur avec sa femme de l’association « La Forêt de l’Effort Juste » et de leurs multiples réalisations dans le monde entier. Un ratio donc, bien supérieur pour cette semaine de crise au ratio normal, pourquoi? Outre le changement de temps car nous passions de l’hiver au printemps avec des écarts de températures soudain de plus de dix degrés, des nuits froides et des jours suffocants. Outre l’équation actuellement impossible d’équilibrer l’hygiène de vie de 125 personnes de nationalités différentes vivant et cuisinant ensemble, la moitié du temps à même la terre, et devant manœuvrer en territoire inconnu: les toilettes sèches à deux trous séparant solide et liquide (avec obligation de passer de l’ un à l’autre au beau milieu de la commission pour se laver le derrière avec la main gauche), mangeant une nourriture nouvelle, souvent crue et rincée plutôt que cuite et lavée, délicieuse au demeurant, rompant par inadvertance les normes d’hygiènes car déboussolés et assommés de soleil, dans un lieux sans chaîne du froid (le frigo étant contraire à l’ idéologie en vigueur), à mettre au compte aussi du changement d’environnement: car nous vivions tous à l’Indienne sans en avoir ni les réflexes ni la culture et je ne voyais que rarement quelqu’un balayer sa chambre et y projeter de l’eau pour fixer les poussières – comme le font les locaux – ou encore dessiner à la farine de riz une rosace en chantant, afin de conjurer les énergies subtiles et nourrir les insectes en les déroutant, avant qu’ils ne s’approprient la maison… Voir ainsi la pratique du Kholam : magie, croyance, folklore ?
Car bon nombre de ces rituels se concilient les présences invisibles et peuvent s’expliquer en terme de « politique micro-biologique » et de « coopération écologique discrète » mais aussi comme « rituel d’harmonie psycho-somatique »… Il m’apparaît ainsi une similarité identitaire réunissant les petites bêtes invisibles et nos troubles nerveux subtils, souvent inconscients, dus à l’angoisse et au stress, et dont les effets parcourent parfois notre organisme, ouvrant aux anciennes zones de blessures des failles nouvelles, par lesquelles s’acheminent virus et bactéries… Qui semblent trouver là une fonction de lanceur d’alerte, au sein de la mystérieuse communauté écologique formée par notre organisme… Et puis pour finir sur les normes d’hygiène: comme le matin c’est quatre heures de boulot, l’après midi balayer et rincer sa chambre, se laver et laver à la main ses vêtements, tout en prenant bien conscience de la valeur de l’eau en portant un à deux énormes seaux sur une cinquantaine de mètres et que le soir c’est assumer les tentations des nombreuses activités culturelles comme les multiples soirées propices aux partages enthousiastes de nos visions du nouveau monde, alors… avec la meilleure des volonté, dur dur de tenir le long terme et la distance! La maladie devient le refuge de l’ Homme stressé, trop « con-pressé ». Dérapages quand tu nous tiens, l’accident n’est plus très loin…
J’aime bien l’écologie profonde, bien que politiquement incorrecte (cela par défaut de traduction) elle favorise le vivant, parfois même au détriment de l’humain, un juste retour des choses? N’est-il pas temps, au rythme où disparaissent les poissons et apparaissent les poisons, de changer de cap et à défaut de camp? Saluons ces juristes d’une ère nouvelle, prêts à défendre de vastes portions de notre mère Terre: mers, montagnes et forêts, arbres remarquables, pris comme des Sujets de Droits à part entière et non comme de simples objets manipulables à souhaits, par l’avidité de quelques uns… C’est ainsi qu’il redevient normal de s’adresser à l’arbre majestueux, celui qui nous a vu naître et d’écouter en retour ses leçons de sagesse, pour peu que le logiciel de notre cognition soit up to date (mis à niveau) et que nous pratiquions le body language (langage du corps): percevant dés lors dans les mouvements des branches et l’agencement des feuilles sous le vent, des attitudes et tout un langage de significations digne d’une personnalité à part entière… Biomimétisme et ingénierie social, le champ vous est « tout vert »!
C’est ainsi qu’après l’initiation de la première semaine et un passage dans le bureau du directeur pour une mise au point tendue, mais salutaire, je me remémorais franchement heureux à Sadhana Forest: Les aventures extra-ordinaires de la lagune de boue, celles de la forêt primaire, du parc des enfants et du jardin tropical, les travaux collectifs dans les digues, les rencontres musique et danse, littérature, les présentations vidéos Ted, le talent-show, les expéditions au Tchai Shop et sur Kurt Road et surtout, oui surtout, les rencontres humaines et fraternelles d’une pléthore de jeunes gens de toute nationalité réunis dans un même esprit de partage et d’action, d’idéal et de communion.
Que je me décidais malgré tout, à rempiler pour une deuxième semaine !
Je louais tout de go une mobylette et pris un week-end le large par prévention, afin de regonfler mes batteries. Non mais… Il faut arrêter de raconter des bêtises sur Sadhana Forest: c’est l’une des communautés d’Auroville qui semble avoir réussi l’improbable sur le plan communautaire, une ambiance de folie, du travail à ras de terre et la tête dans les étoiles, il leur faut juste un peu de temps pour l’assumer, ce succès? Il faut dire aussi qu’ils ne veulent sois disant pas « faire de business » comme le répète Aviram. Mais ne pas gagner d’argent avec une boite qui tourne c’est un peu dommage quand on connaît les moyens mis en œuvre et le nombre de bouches à nourrir, au bio local. Le résultat ? Ils renouvellent chaque semaines les appels à donations et avec 2000 euros par mois c’est suffisant pour développer le travail, un travail si pertinent que le gouvernement Indien les a engagés sur un projet immense de reforestation, sur la route d’Hampi (la ville aux milles temples) et que les Danois leur ont décernés une de leurs médailles honorifique. Jusqu’à présent, c’était une ONG française qui les soutenait financièrement mais ce sera dorénavant à quelqu’un d’autre de gagner de l’argent pour eux.
Jy’ ai vu aussi un film magistral sur les grandes migrations et la reproduction animale, on y voyait et l’analogie est de moi: des hippies en troupes prendre leur envol sur des oies sauvages au delà du grand océan, pour danser libres sur les plages de Goa leurs danses de séduction, leurs transes de guérison et autres quêtes de vision, puis louer de petits bangalos en Thaïlande pour leurs reproduction… Puis repartir par dessus les grandes montagnes vers Ibiza faire la saison des marchés, afin de gagner les quelques grains de blé suffisant à maintenir leur existence et à nourrir leurs petits pour enfin, ébahis, décoller pour vivre la plus grande des aventures, celle de « l’énergie de l’univers » comme le disait le poète, en bouclant leur grand circuit mystique dorénavant mythique, tout autour du monde.
Bref, je m’y suis senti comme à la maison à Sadhana Forest mais je ne suis pas très casanier et comme le dit la chanson « I, had, the time of my life... »
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« Joli témoignage qui change des « avis » que l’on trouve sur internet et qui paraissent moins réalistes que ton récit. L’ambiance que tu décris donne envie d’aller y jeter un coup d’œil et pourquoi pas d’y vivre un peu juste pour se connecter à d’autres façons de voir le monde. Merci <3"