Vent qui murmure aux oreilles des chamanes (extraits)
Bonjour, je veux vous parler de mes quatres temps comme assistant & interprète de la chamane sibérienne Vera Sazhina, lors des rencontres du Cercle de Sagesse de l’Union des Traditions Ancestrales dit « Festival du Chamanisme ».
Que soient remerciés tout ceux qui ont contribué à rendre ces rencontres possibles, puissent-ils continuer encore longtemps à nous donner des moments de pareille « beauté-santé », puisque le terme a bien ces deux significations dans la langue Navajo, et ainsi réenchanter notre monde…
Le docteur John « Mikkal » Smith, l’un de mes instructeurs en néo-chamanisme, nous disait que dans sa lignée Cherokee être un « homme médecine » requiert de devenir tel un os creux, afin de canaliser le Grand Esprit, sans interférences de notre petit ego jacasseur. Un autre homme célèbre, André Malraux, disait lui que « la langue de l’Europe c’est la traduction ». Et bien, j’aurais été pour une lunaison canal et interprète de Vera Sazhina, chamane traditionnelle de la République libre de Tuva, pays aux 10000 rivières et mère patrie du chamanisme, si l’on veut vraiment lui trouver une origine…
Chamanisme ? Ancêtre universel et bien vivant de nos systèmes de guérison et de nos différents procédés culturels, comme le présente Mircea Elliade dans son ouvrage de référence, Le Chamanisme et les techniques archaïques de l’extase. (…)
Vice présidente de l’association des chamanes traditionnels de la république libre de Touva, Vera est porteuse d’une tradition authentique de défense de notre nature, dans tous les sens du terme… Officiant entre mont Altaï et lac Baïkal, à la croisée des cultures russe, mongole, sibérienne et tibétaine, Vera S. m’a redonné confiance dans le pouvoir de l’esprit sur la matière. Elle m’a remis sur la trace de ce sacré bon sens paysan, celui des enfants qui parlent aux fleurs, en sachant fort bien qu’elles écoutent et leur répondent ! En communication simultanée avec « le grand Esprit », les esprits de la Nature et ses esprits tutélaires, cette Chamane Originelle m’a fait réaliser pourquoi et comment redevenir animiste, faisant ainsi le pont dans mon esprit entre Walt Disney, Myazaki et les plus prosaïques des difficultés: réconciliant l’esprit de l’enfance et sa magie avec le plus grand sérieux face aux plus graves des problèmes.
Pour des occidentaux rompus de rationalisme dur et de réductionnisme mou, la culture chamanique – proprement animiste – peut paraître renversante ! Imaginez un instant la figure de « la sorcière » revenir parmi nous pour vous informer – cravache à la main – qu’elle va, si vous voulez bien vous courber un peu, nettoyer vôtre âme des démons et autres âmes errantes qui s’y collent ! Un brin de culture nous aiderait à voir en elle la gardienne des sources (la sourcière) et dans cette action pragmatique une stimulation issue de la culture équine à seule fin de refaire circuler nos fluides vitaux au delà de la pesanteur si communément installée dans nos comportements d’hyper-consommateurs sédentaires.
Pour autant, comment confier notre bien être à une vieille âme qui n’est pas « au catalogue » de la sécurité sociale ? Vera Sazhina est reconnue dans son pays natal, comme gardienne d’une longue tradition et praticienne exemplaire d’une thérapie naturelle de qualité, car efficace et sans effets secondaires notoire… En tant qu’assistant et interprète pour les entretiens individuels comme pour les cérémonies, j’ai vu défiler devant mes yeux beaucoup de personnes pour qui la médecine allopathique s’avouait vaincue et d’autres encore, en prise à des questions existentielles bien trop à l’étroit dans les doctrines en vigueurs, microbiologistes et financières. Je n’en ai vu ressortir aucune pour qui la rencontre n’ai eu d’effet positif, sur le plan émotionnel mais aussi mental et postural : les seules dimensions que mon observation attentive me permettait de jauger…
Je me demandais donc ce qui, dans sa « vision du monde », permettait une telle pratique holistique de la santé, intégrant par de multiples et curieuses approches les différents plans de la personne humaine en un tout cohérent, à l’image de Notre Mère Nature. C’est ainsi que je retenais en mémoire les points « contre-culturels » capable d’opérer une transformation de la vision – un changement de paradigme – chez le « patient » comme chez l’observateur et sur lesquels Vera insistait lors de ses entretiens :
A Tuva, par exemple, le soleil est dit féminin et la lune masculine : féminin car il est comme une mère pour tous ses enfants, qu’il éclaire autant les uns que les autres, apportant chaleur et réconfort… Quand à la lune, rythmant les mois et les années, masculine car son travail l’appelle toujours au dehors – par vents et marées – tel un père très souvent par monts et par vaut et bien plus discret dans ses manifestations affectives…
• A Tuva nous dit encore Verra, nous croyons à l’existence des Esprits de la Nature : c’est là le sens du terme « animiste ». Nos croyances respectent les esprits des lieux, comme ceux de nos lignées d’ancêtres, reliés aux arbres gardiens. Les esprits des morts aussi, qu’ils soient bienveillants ou malveillants, souvent aveugles et meurtris quand c’est le cas…
• Tout dans la nature possède un esprit et peut communiquer des informations: l’arbre et la forêt, les montagnes, le ciel et la terre, les animaux, les sources et les rivières qui, avec les cascades partagent un fort pouvoir de guérison
• La chamane, à travers offrandes et prières, transes et rituels – tradition et modernité – se concilie donc ces puissances et entre en relation positive-constructive avec leurs différents types de pouvoirs : par la trame du langage des hommes, des forces et des oiseaux, des matériaux et des symboles. Considérant avec respect et amour bienveillant toute chose de la Nature, elle entretient des sentiments positifs envers les différents règnes et acquiert ainsi, après de longues épreuves, une maîtrise de soi même au sein des 3 mondes : autant le biologique, le politique, que le symbolique !
• Les trois mondes ? Il s’agit là d’une typologie du voyage chamanique :
– Résident dans le monde d’en bas, obscur et souterrain, les esprits lourds et négatifs, causes de dépression, haine, rancœur, jalousie, guerre, maladies et destructions. Il est le siège des traumas de toute sorte… C’est aussi là le domaine des animaux de pouvoir qui – eux – savent maîtriser ces aspects négatifs et ont développé des stratégies pour s’en sortir efficacement, c’est là le sens de l’évolution! Se conciliant ces puissances, la chamane peut ainsi utiliser leurs capacités sur le plan psychique-pratique (psychologique) pour sortir ses clients de leurs difficultés en recouvrant les parties d’âme manquantes, qui reviennent par exemple sous forme de souvenirs et/ou de symboles porteurs d’une charge émotionnelle intense (numineuse) et d’un sens propice à l’épanouissement de leur plein potentiel de guérison.
– Réside dans le monde d’en haut les esprits lumineux, anges, êtres de lumières et divinités, guides prescripteurs et respectueux de nos activités humaines, qui nous sont sources d’inspiration et de guérison, d’amour, de bonheur et de joie, de gloire comme de divertissement. Leurs représentations physiques sont donc les symboles actifs des valeurs et qualités qu’ils transportent… Ainsi, les traditions chamaniques des peuples premiers (+/- 10 000 av. J.C.) nous enseignent à la lumière de l’ethnologie et des traditions comparées, que les religions organisées ( > – 3000 av. J.C.) – apparaissant bien plus tard – auront tentées de « s’approprier des droits sur l’expérience du sacré », en instaurant des intermédiaires plus ou moins compétents, entre les hommes et le monde des esprits (le temps du rêve), quand cette expérience est par nature promise à chacun, dans le temple de la nature et au service du lien entre tous !
– Le monde du milieu est le notre, où nous – les humains – faisons avec plus ou moins de brio la connexion entre ciel et terre, positif et négatif, la construction et la destruction… Nos pensées, sentiments et sensations, telles les données d’un logiciel programmant notre mémoire, conditionnent notre personnalité qui organise alors notre destiné : nous conduit-elle vers de délicieux jardins de sérénité ou vers les enfers de la maladie et de l’emprisonnement ? Voilà des questions auxquelles nous aide à répondre la Chamane, maîtrisant l’interface ciel-terre, esprit-corps, software-hardware, pour en avoir exploré le code en long, en large et en travers !
Même les esprits négatifs, qu’elle voit comme de « vieux amis » sont mieux disposés à coopérer et à retourner dans le monde des morts et les royaumes infernaux une fois le ventre plein, couverts d’offrandes et bien considérés ! Pour notre chamane, toute forme d’énergie est à réintégrer dans un tout cohérent. Il serait incompatible avec cette Vision Globale de mettre quelqu’un à l’écart des bienfaits du bien commun ! Voilà bien l’une des qualités de ce renouveau chamanique tel que nous le vivons aujourd’hui, à côtoyer des personnages tout droit sortis de nos anciennes légendes : une véritable vision globale, à l’échelle de notre planète Terre et qui, riche du savoir anthropologique nous permettant de regarder la figure du diable comme celle du « dieu des vaincus », nous invite à nous interroger dès lors sur le sens de la vie, du bien et du mal, du bonheur et des valeurs de chacun, comme de la véritable place de l’être humain, dans un relativisme dont la luminosité tient en respect la pesanteur ! (…)
Répondant à une question du public, Vera ajoute : même les machines portent en elle un esprit : en effet, on voit bien des hommes aimer leur voiture et des femmes parler à leur ordinateur… N’est-il pas évident que « le signal » passe par le téléphone et tout aussi surprenant de capter des signaux émis par toute chose: animal, végétal, minéral, et ce avec sens ? Un synonyme moderne de cette notion d’esprit serait donc « signal informatif » ou « vecteur d’information » que notre cerveau, tel un méta-ordinateur, traite, transforme et transmet afin de recréer notre réalité, cette « représentation du monde » plus ou moins fluctuante… Or, comme la réalité est consensuelle, n’est-il pas un combat viscéral, politique et symbolique, biologique et culturel, où s’affrontent les
différentes visions du monde (paradigmes) pour la domination sur autrui, de quelques règnes qu’il soit, alternant logiques compétitive et coopérative, suprématie et conciliation ?.. Et c’est dans ce combat spirituel, jeux d’influences et de pouvoir – facteurs tissant le sort – que la chamane excelle à réparer, consoler et gaie-rire, voir les choses telles qu’elles sont vraiment, afin de remettre en selle les « laissés pour compte » et de remotiver les siens dans le grand bain du quotidien. En guidant, tel un bon berger, le troupeau de ceux qui ne se reconnaissent plus entièrement dans l’anthropocentrisme ambiant, appelant de leur cœur un bio-centrisme régénérateur, qui porte en lui des valeurs de justice globale, de beauté naturelle et de santé spirituelle : le BIB plus que le PIB, comme en parlent déjà les habitant du Bhoutan, l’UNESCO et d’autres utopistes debout… Ainsi, les chamanes lisent les oracles et tissent avec leur auditoire des destins propices pour les individus et la communauté. Nous sommes des « tisseurs de rêves », disent aussi les hommes médecines Amérindiens et aborigènes. (…)
Revenons à Vera et après sa manière de voir, abordons sa façon de faire : de petites pierres étranges lui parlent de destinées probables, après avoir été tenues dans les mains en prière du visiteur, oracle jeté sur un tapis qui a beaucoup vécu… Elle écoute – autre exemple de diagnostique – à travers un petit coquillage la réponse des esprits, aux questions qu’elle leur pose, puis parlera avec les esprits des morts – s’ils hantent encore les vivants – par la médiation de masques étonnants, envoûtant, repoussant les craintes et éclairant les mystères…
(…) J’observe un calendrier chinois et des carrés magiques qui semblent lui servir à harmoniser différents facteurs d’une personnalité, ainsi que des symboles du bouddhisme tibétain… Elle sort ainsi de son « sac d’esprits » de nombreux objets aux différents pouvoirs spirituels: une poupée, un miroir chamanique, des griffes, des crocs, des serres de rapace, rubans de soie, serpents, clochettes et tarots, marionnettes ; ainsi que des antennes pour décoder – peut être – toutes les fréquences des mondes visible et invisible, dans un seul et même continuum d’expériences.?!
• Son grand tambour aux multiples fonctions ne la quitte pas : bouclier, caisse de résonance et monture pour voyager à travers les mondes, il me semble être un appareil de bio-feed-back, bien avant la naissance de la cybernétique… Afin de prendre soin de son petit monde, notre chamane – dont l’ âme extrêmement sensible est protégée d’une armure de cuivre dit-elle – utilise aussi 3 costumes : 1 pour les enseignements, 1 pour les guérisons et 1 pour les cérémonies. Ses différents objets de pouvoir – qui transmettent des énergies de guérison ancestrales – lui ont été légués en majeur partie par son grand père, grand chaman du cœur, réputé dans toute la République Libre de Tuva et au delà : sa famille ayant participé activement au renouveau du chamanisme en créant l’Association des Chamanes Traditionnels de Tuva. Dans les années 90, le Chamanisme fut reconnue religion officielle Touvaine au même titre que le bouddhisme et l’orthodoxie catholique, alors que dans les années 70 des crimes étaient encore commis à leur égard par l’occupant communiste, qui aura essayé d’éradiquer ces croyances de toute la sainte Russie. (…)
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Continuons alors avec les paroles de Vera: « A Tuva, il n’y a pas d’atelier ou d’école pour devenir chamans. » L’appel est évident et il est difficile d’y résister. Par exemple, un ancêtre peut venir enseigner dans les rêves et nous pouvons, à travers ce canal de communication, demander et recevoir des enseignements, des guérisons, voir des « flashs d’infos » spéciaux…
Il existerait ainsi cinq familles de chamans selon les différents types d’initiations :
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Suite à une grave maladie un enfant ou un adolescent peut guérir – en trouvant en lui même les ressources nécessaires – aidé en cela par un vieux chaman… « Les esprits l’encouragent alors à devenir lui même chaman » et il suivra parfois ce chemin difficile à contre cœur, qui voudrait par légèreté de pareils responsabilités ?
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« Dépositaire du pouvoir d’un ancêtre » un enfant est repéré dans sa famille, il sera élevé dans la tradition et recevra après de longues initiations – comme assistant – les objets de pouvoir propre à sa fonction, tout en suivant les rituels et les cérémonies du calendrier naturel, se déroulant dans des lieux tenus souvent secrets.
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Attiré irrésistiblement par un « esprit de la forêt », en suivant ce que certaines logiques appelleraient « une hallucination », souvent un esprit de femme, blanc et lumineux, dont l’homme – dans le feu de sa vision – va éperdument tomber amoureux et traquer les traces, jusqu’au bout de sa folie. Tirant ainsi un enseignement de première main sur la vie dans les bois, puisque cette initiation peut durer plus de 2 ans de pleine solitude, s’il y survit. (…)
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Fasciné par les cascades et les sources, haut lieux de guérison, où se côtoient de nombreux esprits, souvent en lien avec ceux des grottes (où les chamans de tous pays et de tous temps organisent de longues et régénérantes cérémonies), un être humain perd contact avec son village et commence alors une vie d’ermite par de longues années d’initiation, au cœur même de mère Nature, charmé pas ses nymphes, les « esprits des sources »…
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Enlevé par les « esprits de l’arc en ciel » qui lancent une corde du haut du ciel à celui qui la verra. Il est dit que celui qui la prend ne redescendra pas avant très longtemps ! S’il redescend, ce sera avec une grande connaissance des esprits du monde d’en haut et des techniques de guérison qui leurs sont apparentées.
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L’éthique chamanique ajoutera Vera, est née des constats qu’entre chamanes, traditionnellement un seul par village ( les nouveaux se faisaient tous petits avant d’être reconnus par les anciens), il était facile d’entrer en conflit d’influence, voir pire encore et que cela devenait vite gravissime ! C’est pourquoi ceux-ci respectent maintenant « l’éthique chamanique » et ne se permettent pas de dire du bien ou du mal des autres, mais savent donc rester neutres – pour le plus grand bien de tous…
Les chamanes ainsi, rêvent en premier lieux leur réalité puis se chargent de se concilier les éléments pour que se réalisent leurs (nos) rêves. Jamais je n’ai entendu Vera faire de prédictions dramatiques ou d’ interprétations frauduleuses – autant que je puisse en juger – son attention toujours centrée sur la personne humaine, dans l’écoute bienveillante et cherchant à valider ses propres hypothèses par la parole du sujet : posant quelques questions précises dans un dialogue heuristique efficace, luttant parfois à bras le corps contre des résistances psychologiques issues de plusieurs générations…
Lors de ses nombreuses consultations où je lui servais d’interprète et d’assistant – de la crypte du château de Dôle aux tipis du domaine de Dordogne – je l’ai toujours vu supplanter les esprits négatifs malmenant des personnes parfois gravement mal en point et celles ci en ressortir ayant vidé leur sac, pleuré et ris à gorge déployée, reçu amour et soins, vision poétique et prévisions éclaircissant leur chemin. De bons conseils, comme « un bon coup de main », au propre comme au figuré…
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Les esprits aiment la justice – nous dit Verra – ils n’aimeront pas que la disharmonie domine ! Nous devons donc faire l’équilibre dans nos vies et entretenir des relations positives avec toutes choses. C’est pour cela que nous faisons des offrandes aux êtres spirituels qui émanent des choses concrètes – pour le moins de notre observation et de nos rapports avec eux – les nourrissant, les divertissant, nous nous concilions les puissances de la Nature et branchons nos petits esprits personnels sur les grands et lumineux esprits du ciel. C’est comme regarder la télé (de média, médium…) mais en beaucoup plus grand ! Nous ouvrant sans cesse au miracle de la vie et à sa beauté simple, comme à l’extraordinaire complexitée de son expression. Il me revient en tête une citation du Seigneur des Anneaux : quand le grand maître des arbres, l’Ent, se désole que les hommes suivent Saruman – vil magicien dans sa tour d’ivoire – cultivant « un esprit d’engrenage, de mécanique et de métal » et ne viennent plus contempler « les choses qui poussent » c.a.d. la forêt.
• Dans le feu par exemple, en fin de cérémonie, Vera observe des traces d’animaux : si elle y voit de petites pattes, comme celle de chèvres ou d’autres animaux mignons gambadant gaiement, c’est le signe que les esprits sont contents et que la joie domine ! Sinon, des traces d’autres animaux plus lourds, comme le buffle – difficile à bouger et souvent ronchon – signifient que les esprits ne sont pas encore pleinement satisfaits : d’autres offrandes ou danses seront nécessaires pour finir la cérémonie, respectant en cela le temps chamanique, expression des bio-rythmes de la communauté plus qu’un planning prévu à l’avance par un grand esprit organisateur; ménageant ainsi la chèvre et la « tête de choux»☺.
• Le chaman entretient aussi la mémoire de sa tribu, en racontant les mythes ancestraux : la danse cosmique et amoureuse des deux astres au ciel, qui fait vibrer la Terre, l’atmosphère et tous ses habitants… Qu’ils soient minéraux, végétaux, animaux où purs esprits, tout a une histoire à raconter car tout est porteur d’esprit : d’informations et donc sujet à communiquer.(…)
• Une cérémonie caractéristique, à laquelle j’aurai assisté plusieurs fois, est celle de l’arbre à prières ou « arbre chamanique » : nous nous rassemblons autour d’un arbre, souvent fait de trois troncs entrelacés, un chiffre magique me dit-elle, à qui le collectif – guidé par la chamane – confère des pouvoirs magiques, lors d’un rituel autour du feu sacré allumé pour l’occasion. Cela pour honorer nos lignées d’ancêtres, en déposant à ses racines des offrandes de rubans, de soie et de tout ce qui nourris les principes du vivant : du beurre et du lait – symbole de pureté et de bonheur – pour les esprits élevés, de la viande (corned beaf) pour les carnassiers, des bonbons pour la joie et les enfants que nous ne devons jamais oublier, des biscuits protecteurs (comme de petits boucliers), de l’eau et de la vodka pour les esprits avides & ivres… Nous devons ainsi contenter tout le monde car grande est la famille et la paix est à ce prix : le partage du bien commun, à chacun selon ses besoins… Cet arbre tutélaire protégera les filiations venant se recueillir à ses pieds, en illustrant l’épopée familiale par l’entrelacement de ses branches, symboles des relations, mettant en perspectives le plein épanouissement de tous les potentiels et ce malgré les conflits inhérents à l’entrecroisement des destins et aux obstacles sur le chemin : parasites, nœuds, vieux clous rouillés… Les retrouvailles avec nos proches et les lointains, en partageant nos soucis quotidiens et les bienfaits du partage des ressources, nous aidera à «faire famille», reconnaissant en chacun une partie du tout, comme nous sommes tous appelés à vivre peu ou prou les mêmes épreuves, les mêmes saisons, sinon le même destin. Le personnage de la Chamane m’apparaît alors dans toute son artistique splendeur : elle me semble être le grand médiateur de la mise en commun!
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Il nous faut donc garder le moral – nous dit Verra – c’est à dire un esprit assez élevé pour ne pas sombrer dans le chaos et la maladie, car quand le moral est au plus bas, l’entropie-inertie peut commencer son œuvre de grignote-âge, telle la moisissure sur un vieux tronc…
Il semblerait bien que les grands espaces libres et sauvages de cette partie du monde – la Sibérie occidentale – laisse libre pour le domestiquer, le grain de folie des Hommes. Que celui ci, parvenu à pleine maturité, en contact avec la mère Nature et la divine providence, donne parfois comme fruits succulents – quand ils survivent aux éléments, bêtes sauvages et turpitudes du climat – des êtres parés de toutes leurs potentialités ! Revenant à leur village comme porteurs de connaissances nouvelles, pragmatiques et efficaces, pouvant s’insérer dans une tradition multimillénaires. Ils ont alors pour mission de délivrer les autres, souffrant de maux anciens ou nouveaux, souvent coincés dans une tension délétère entre être essentiel et masques sociaux, désirs et ignorance, cherchant la force et la conscience nécessaire pour se remettre en selle sur le beau chemin blanc du bonheur…
Mon enseignant en relation d’aide et psychothérapie, le docteur Irempour, alcoologue de renom et ancien doyen de la faculté de Paris Nord, ardent défenseur des médecines naturelles, nous disait qu’un des danger de notre système médical actuel – allopathique – qui regarde tout par le microscope et la technologie, est qu’il risque de créer les maladies qu’il soigne, car les théories qu’ont en tête les praticiens ont tendance à manifester dans le réel ce qu’elles désignent dans l’abstrait ? Cela est valable pour tout système et toutes positions d’autorité – chamanisme y compris – puisqu’il est parfois facile « d’abuser frauduleusement d’une position de sujétion psychologique » (termes de la loi About-Picard contre les dérives sectaires) quand on porte une blouse blanche ou un radiant costume de plumes : des symboles d’autorités, apparaissant prépondérant dans la célèbre « Expérience de Milgram » (…) Nous devons donc être sur nos gardes avant que de mettre notre santé entre les mains d’autrui ? De nombreuses sociétés savantes ont depuis le siècle de lumières étayé la doctrine médicale, il semblerait que les médecines traditionnelles aient aussi leurs mots à dire. Dans un esprit de coopération, et puisque l’erreur est humaine, le public et les associations d’usagers nous semblent donc en droit de rechercher des réponses à leurs maux, en accord avec des valeurs de liberté, d’équité et de fraternité : éco-logique donc, au sens propre du terme…
Je formule donc le souhait de voir au grand jour un véritable renouveau chamanique et que se fasse une synthèse des connaissances, unifiées et transdisciplinaire, résiliente et agrandante pour utiliser des termes chers aux tenants de la permaculture, afin que celui qui souffre bénéficie de l’intelligence de tous, dans une bonne entente de chacun… Puisse cela concourir à l’établissement d’une civilisation du bonheur, durable et réjouissante ! Puisse cela concourir au véritable bonheur…
Merci de votre bienveillante attention 😉
Références web:
Ola !
Bueno …
Gracias .
“Merci Nicolas pour ce magnifique partage. Vera est aussi pour moi quelqu’un chère a mon cœur et je n’aurais pas pu mieux écrire… »
« Un article vivant et vibrant qui retrace admirablement l’authenticité et la force de cette chamane sibérienne.Merci pour elle et pour nous »
Merci pour ce bel article qui permet d’éclaircir le véritable rôle du chaman et sa véritable pratique 🙂