Bonjour !
Je veux vous parler de l’une des techniques d’introspection que le bouddha historique a enseignée et qui constitue l’une des pierres angulaires de l’édifice immense qu’est la philosophie bouddhiste, proposant le travail intérieur comme remède aux souffrances humaines: La méditation de pleine conscience, ainsi que de ces variantes : mindfulness, mbsr, annapànasati, vipassana.
Le bouddha a ré-ouvert un antique chemin initiatique – le dharma – en répondant par la pratique à l invitation des philosophes grecs « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux » : L’univers, car il existe un rapport d’analogie entre l’agencement des éléments dans notre corps et dans la nature – appelée géométrie sacrée – et les dieux car à l’époque de Platon on ne parlait ni d’énergies ni de forces – comme la science en parle aujourd’hui – mais de [theos] la puissance divine, le souffle divin. Remarquons en préambule que les termes de « médecine » et de « méditation » sont apparentés, provenant de la racine latine [med-] donnant [médeor] « prendre soin » et [meditor] « penser à », « modéliser » dirions nous aujourd’hui… Ainsi, si la médecine allopathique s’est vouée à la recherche de la panacée, du nom d’une déesse grec étudiant les poisons pour en faire des remèdes, sa sœur Hygie s’est elle vouée à l’étude de l’hygiène de vie et c’est à ce courant de prévention qu’appartient la méditation de pleine conscience : l’art de bien penser à Soi ! (La présence de yogis en Grèce à l’époque d’Alexandre le grand est attestée.)
Quand j’étais étudiant à l’école des Beaux arts de Marseille Luminy, j’ai pu m’exercer à la sculpture : l’art de tailler sa pierre et je me souviens avec plaisir de la constance de l’effort à faire pour obtenir satisfaction, muni pour cela de deux outils, le marteau et le ciseau. Deux symboles de la maçonnerie comme de l’alchimie symbolique que je rapproche des deux outils internes permettant l’établissement de la pleine conscience: 1/ la concentration sur: 2/ la respiration. En effet, je symbolise par le marteau en mouvement la puissance pneumatique du souffle (pranayama) nécessaire à un travail intérieur de longue haleine, et par le ciseau la faculté d’attention de l’esprit, aiguisée et concentrée en un point (samatha, ekàgràtta). La pierre brute représente dès lors la matière grossière, lourde et opaque, que le Bouddha appelle IGNORANCE et qu’il a ciblée comme étant le seul ennemi qui vaille la peine d’être combattu, pour préserver la paix, la santé et la joie, en nous même comme dans le monde.
L’objectif de la pratique bouddhiste revient dès lors à dégrossir cette pierre brute de l’ignorance afin de sortir de sa gangue le joyaux pur d’un esprit clair et cohérent, dans le lotus d’un corps agréable à vivre. En effet, si l’ignorance de notre propre nature nous pousse à des actions aux conséquences souvent douloureuses, la connaissance lumineuse de la réalité nous prépare – en général – une vie belle et heureuse. Cette technique de méditation se présente donc comme une recherche rationnelle des causes de notre bonheur. Je vais maintenant vous en décrire le B.A.BA :
Assis en tailleur – confortablement – afin de tailler la pierre brute – régulièrement – pour en faire un tout cohérent et raffiné, revient pour un méditant confirmé, à contempler systématiquement l’ensemble de ses sensations physiques, de ses sentiments et de ses pensées, de la tête aux pieds et des pieds à la tête. Cultivant ainsi des qualités, comme l’attention et la bienveillance. Se familiarisant avec le fonctionnement de son propre mental. C’est une démarche expérimentale et c’est donc par l’observation que tout commence. Ainsi, après m’être concentré sur ma respiration, je peux me représenter comme objet de concentration mon propre corps comme étant ce cube de pierre que je polis doucement et prends alors conscience – progressivement – de la face avant de ce corps; de la face arrière de ce corps; du flanc droit; du flanc gauche; de la base et du sommet. Quelles sensations puis-je y observer ? Sont-elles plaisantes ou déplaisantes ? De la chaleur, un refroidissement ? Du mouvement, de l’immobilité ? De la légèreté, des lourdeurs ? Ces sensations signalent à ma conscience les éléments qui me constituent ainsi que leurs interactions dynamiques: la terre, l’eau, l’air et le feu composent en mon fort intérieur une succession de réactions incessantes et fort intéressantes, qui furent à la base de la théorie des humeurs popularisée par le Canon d’Hippocrate et la médecine antique. Par une longue pratique je peux ainsi instaurer de nouvelles pensées, induisant de nouvelles humeurs, jusqu’à changer quelque peu ma personnalité et donc ma destinée.
Je découvre ainsi que l’étendue de mon organisme éclairé par ma conscience est comme un temple aux rituels forts complexes: biologique, physiologique, psychologique, qui semblent orchestrés par des officiers ayant pour nom mes organes. Pénétrant plus en avant de ma concentration mon milieu intérieur, je puis alors pondérer avec finesse le poids de mon propre foie, les rythmes de mon cœur, une tension nerveuse excessive, réguler par la respiration un excès de sucre, etc. Comme effet secondaire de cette méditation, j’ai pour ma part fait l’expérience de guérir de mes problèmes allergiques, en prenant conscience du nœud qui se nouait dans mes sinus entre le refoulement de ma colère et des picotements, un réflexe excessif et une légère décompensation émotionnelle…
C’est bien là le propre de l’art et de la culture dans leur dimension thérapeutique ou préventive que d’assoir un rapport à soi-même fait de mesure en toute chose! L’harmonie crée la beauté. C’est un synonyme de santé pour les indiens Navajo…
Revenons à la pratique: je perçois ensuite mon état émotionnel: ce mélange de joie et de tristesse, de peur et de colère, d’amour. Prenant conscience des liens qui conditionnent mes émotions et mes pensées, je mets en concordance mon cœur et ma tête, synchronisant mes fonctions vitales. Chaque face de la pyramide qu’est devenue ma pierre sculptée, représente maintenant l’un de mes cinq sens et je regarde de l’intérieur… mon propre regard regardant ! Mon sens de l’audition; celui de l’odorat; celui du goût; à la base de la pyramide le sens du toucher et à son sommet celui de la conscience, vu par les bouddhistes comme « le sixième sens » c.a.d celui de la représentation mentale. C’est à partir de cette conscience souveraine qu’est maintenu le fil à plomb de mon équilibre intérieur, plaçant ma tête à l’équerre de mes épaules, me gardant ainsi droit dans mes bottes et bien dans mon assiette. De l’intérieur de cette pyramide, je prends finalement conscience de mon propre égo, pris entre impulsions naturelles et éducation et, c’est de ce lieu tenu secret que je réfléchis afin de prendre des décisions qui m’engagent, moi et nos vies. Finalement, j’observe comme un tout cohérent mon propre corps, mon cœur et mon esprit: un seul & même temple perçu dans sa globalité, qui s’enchâssera comme une pierre taillée dans un édifice plus grand que lui: une famille, une société… un écosystème!
Voilà, j’aurais ainsi fait méthodiquement le tour du propriétaire, établissant la pleine conscience de ce que je suis véritablement, ici et maintenant. Un des effets de cette harmonisation corps-esprit, travaillée avec diligence et réalisée pleinement est de faire disparaître les troubles de la conscience de soi et autres marqueurs de stress excessif, qui augmentent les risques de maladie et d’accident. Un autre effet de cette pratique est de nous rendre responsable de notre santé, de nos humeurs, de nos pensées et de nos actes. Ce qui en fait une réussite dans son application en prison (voir le film The Dhamma Brothers). C’est en devenant ainsi de « libres panseurs », médiateurs entre soi-même et le monde, que nous gagnerons en égalité d’âme devant nos passions et en fraternité face à autrui. En effet, pour le bouddhisme comme pour d’autres mouvements de spiritualité laïque, l’avancée sur le chemin initiatique se fait – aussi et surtout – grâce à la solidarité de la communauté et à l’attention portée aux frères et aux sœurs.
Je vous remercie donc de votre bienveillante attention.
Références Web:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pleine_conscience
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vipassan%C4%81
https://www.youtube.com/user/DhammaBrothers