Bonjour,
je veux vous parler de mon expérience du silence dans le yoga du son et la méditation de pleine conscience.
Le bourdonnement du « Om » est une pratique de yoga du son mettant le corps en vibration, le chanteur cherche à obtenir – au final – un silence en lui-même le plus absolu possible ! Ce silence, en plus de lui apporter le repos le plus complet, est sensé lui donner une expérience de l’infini… Pour la tradition du yoga, ce son « Aum » est dit reproduire le son primordial de l’univers, celui qui imprimerait à la Création sa forme première: une « syllabe germe ». Tout cela selon le même principe scientifique que nous démontre à plus petite échelle les célèbres expériences de Chladni, créateur de l’acoustique moderne, son archet mettant en vibration une plaque métallique saupoudrée de limaille de fer il y observa la forme que le son compose et une nouvelle science fut ainsi créée, la cimatique, étudiant les formes des vibrations sonores.
Le Yoga – qui se veut une science – a établi des protocoles expérimentaux qui se pratiquent maintenant dans les salles de nos centres culturels, jouissant d’un silence relatif et qui permettent au pratiquant de s’accorder sensiblement avec ce souffle sonore et structurant, que semble murmurer à son oreille la Nature. Les musiciens et mélomanes connaissent bien tout l’intérêt qu’il y a d’accorder son instrument avant d’en jouer, pour soi même comme pour autrui et cela peut-il se faire sans le silence ? C’est dans cet esprit là que se pratique le yoga du son : accorder en soi-même l’esprit et la chair.
Le silence… Ce bourdonnement « résiduel » que des scientifiques ont chiffré à +/- 10 DB, est il ainsi comme un signal, qu’il nous faut apprendre à décoder et dans l’ignorance duquel nous ne pourrions que vivre désenchantés, comme coupés du monde ? Ces sonorités essentielles pourtant à peine perceptibles, sont-elles des leçons à écouter et à entendre, nous faisant prendre conscience, si besoin, de nos interférences, donc des défauts de nos structures internes ? Comme le sont utilisés aujourd’hui les sonars dans l’évaluation de la solidité des constructions à grande échelle ? Serions nous capable, en silence, de percevoir par le compas de l’esprit, dans notre corps mise à l’équerre, l’agencement de nos matériaux et de leurs dissonance, biologique, psychologique et sociétale, avant que celles-ci ne provoquent notre perte ? Comme sait si bien le faire le mécanicien qui détecte à l’oreille, la nature de la panne de voiture? Les « sons du silence », sont-ils encore les plaintes et autres signaux faibles, émis par d’autres êtres vivants ? Du bruissement de la feuille parasitée que sait interpréter le vigneron, à l’arythmie cardiaque de son patient, que reconnaît le médecin ? Sont ils aussi les messages persistants dans le vide qui proviennent de nos proches voisins, les animaux et auxquels nous faisons parfois – encore – la sourde oreille ?
C’est ainsi l’autre face, du silence, que le déni du langage de l’autre et le refus de percevoir sa souffrance. Et pourtant… Lors de tsunamis récents et dramatiques, il nous est relaté que les animaux connaissaient à l’avance l’arrivée de la vague et ont tous pris le large avant l’impact, seuls sont restés ceux qui étaient domestiqués! Si l’homme fait ainsi la sourde oreille aux messages de la nature, quel futur se prépare t-il, collectivement ? Les physiciens, comme les astrophysiciens, nous disent que le silence absolu n’est ainsi qu’une abstraction, comme l’est le vide absolu et qu’il y a toujours quelques signes à décoder. C’est bien Pythagore, philosophe et mathématicien qui à dit : « Apprenez à faire le silence en vous. Laissez votre esprit apaisé, écouter et absorber ce qui l’entoure… » C’est là – à l’identique – le message du Bouddha historique* et l’un des protocoles de base de la méditation de pleine conscience que d’exercer son oreille aux subtilités du son, avant que d’affirmer qu’il n’y a rien à entendre.
Imaginez vous donc maintenant vous tenir assis confortablement, dans une salle au calme, une grotte ou un temple, dans un silence de tout les sens : l’obscurité pour les yeux, l’absence de son aux oreilles, de goût sur la langue, d’odeur au nez… Une « mise à la terre » de l’ensemble de vos activités sensorielles. Que reste il alors à la conscience individuelle à observer, si le monde extérieur disparaît ? Sinon l’édifice qui la soutient, les vibrations de l’organisme lui même : le son d’une respiration, le goût de la salive, la chaleur et les odeurs du corps, les rythmes du cœur et la mélodie des organes internes; les frictions de nos émotions; la teneur des pensées qui nous traversent… Nos sens peuvent ainsi se tourner vers l’extérieur, comme un compas et une équerre mesurant et corrigeant nos constructions, mais ils peuvent aussi se tourner vers l’intérieur, comme un fil à plomb pointant vers notre centre de gravité et un niveau, mesurant mes échanges métaboliques, pour continuer à utiliser la métaphore de l’architecte.
Ais-je ainsi investi autant de temps dans les deux directions : celle de la connaissance du monde extérieur et celle de mon être profond ? Où est-ce que je subis parfois comme un défaut d’équilibre – une rupture d’harmonie – entre le dedans et le dehors ? Seule une écoute silencieuse de mon environnement me le dira et mon environnement commence, me semble t-il, dans mon milieu intérieur : ce sont mes propres besoins vitaux qui se signalent par les sons du dedans, comme le font les jeunes enfants qui crient dans la cour de l’école ! Les aspirations du corps, qu’il soit social ou physique, sont les sons que révèlent le silence de la méditation à celui qui s’observe attentivement. Combien de temps lui faudra t-il alors, regardant l’expérience du vivant dans le laboratoire de son être pour faire le tour de son temple intérieur et en connaître les outils, le rituel et les officiers, pour s’assurer que tout concorde en lui même vers le même but : son amélioration constante, son bien être et sa régénération, s’assurant ainsi d’une santé optimale et d’une participation solidaire à la création collective !
Je viens de vous décrire ici – en quelque sorte – le déroulé et les enjeux d’une retraite silencieuse : une période d’initiation et de pratique, commune aux différents enseignements bouddhistes et qui entre en occident sous la forme laïque de «méditation de pleine conscience», utilisée par la médecine depuis 20 ans sous le nom de MBSR. Une retraite de dix à vingt jours en silence pour s’améliorer soi-même et la société ? Ce peut-il que cela nous coupe totalement du monde sans aucune envie d’y retourner ? Ce qui m’amène à reparler de l’essence négative du silence. Le journaliste burkinabé Norberto Zongo disait « Le pire, ce n’est pas la méchanceté des gens mauvais, c’est le silence des gens bien ». Ayant vécu la domination d’armées bruyantes, comme nous peut-être, celle « d’armes silencieuses », ce journaliste africain interroge sur le sens de nos prises de parole en public, car il est un « silence qui grossit comme un cancer » que chantent les poètes Simon et Garfunkel dans la chanson The sound of silence : c’est bien là le silence de l’indifférence, face à la douleur d’autrui, celui aussi de la sinistrose, bloquant les rêves d’avenir et les chants de célébration; un silence fait de peurs et de regrets. Même si parfois, comme l’est le calme avant la tempête, ce silence face à l’inacceptable peut potentialiser nos forces vives, nous préparant à l’affrontement ?
Je nous invite donc à nourrir un silence positif, celui d’une curiosité saine pour tout les langages de la nature, dans un échange bienveillant et constructif, avec tout les êtres sensibles…
Merci de votre bienveillante attention
« Magnifique ! Exactement ma recherche du moment…du bruit intérieur au silence profond intérieur. …pratique hier de Bramari Pranayama et laisser la vibration s’éteindre jusqu’au silence assourdissant »
Très bel article invitant à se poser des questions que je trouve pertinentes.
Merci pour ton partage.